The gesture

Le geste

Le geste commence avant d’exister. Même avant que la main ne bouge, il y a un souffle, un silence qui s’étire à l’intérieur du corps. Dans cet espace minuscule, entre la pensée et l’action, naît la spontanéité. Le geste est une réponse à une présence intérieure, une vibration qui s’allume sans raison apparente. Ce n’est ni une décision, ni une idée : c’est un battement. Lorsqu’il arrive, c’est avec la simplicité d’une feuille qui tombe ou d’une vague qui se brise. Le geste, comme le cycle naturel, ne demande pas pourquoi ; il advient simplement.

Le geste est une forme d’écriture sans mots. Chaque trait est une calligraphie de l’instant, une manière d’affirmer que nous sommes ici. Quand l’encre touche le papier, le temps se défait en une succession de mouvements plus proches du souffle que de la raison. Le geste, tel un haïku, condense ce qui est éphémère et pourtant éternel : le point précis où la main, le corps et l’esprit se rejoignent. Dans cet espace, l’encre n’est pas seulement matière —elle est émotion, tremblement, rythme.

Le geste est confiance. On ne peut pas le forcer, seulement le permettre. Lorsqu’on le laisse naître sans contrôle, il devient une sorte de miroir qui reflète la vérité de l’instant. La main en sait plus que la pensée, et l’encre en sait plus que l’intention. Il y a des moments où le trait avance comme l’eau : il trouve son chemin, contourne les obstacles, puis s’arrête. Dans ce flux réside une sagesse ancienne, une manière d’être au monde sans vouloir le dominer.

Le geste est aussi imperfection. Souvent, le contrôle l’étouffe et le désir de perfection en efface la vie. Mais la beauté de la spontanéité réside justement là : ce qui est vivant n’est ni symétrique, ni prévisible. Une tache d’encre peut contenir plus de vérité qu’une ligne calculée. Dans le geste, il y a mémoire —celle du corps, du temps, de ce qui n’est plus. Et en le laissant apparaître sans filtres, ce qui s’imprime sur le papier est plus qu’une forme : c’est une présence.

Le geste est une pratique du silence. Il ne réclame rien, il invite simplement à écouter. Peut-être est-ce pour cela qu’il rappelle le rythme des cycles naturels : un mouvement qui naît, grandit, s’arrête et se transforme. Comme la lumière qui change au fil du jour, le geste vit dans ce va-et-vient. Travailler avec lui, c’est apprendre à attendre, à reconnaître quand agir et quand laisser faire. Chaque trait porte en lui une respiration, une pause, un abandon.

Le geste, enfin, est une manière de vivre. Il ne s’agit pas seulement de peindre ou d’écrire, mais d’habiter cet état de présence où tout devient possible. Une feuille blanche, une main qui tremble légèrement, une encre qui s’écoule —et, au milieu de cela, le miracle simple de créer sans penser. Quand le geste s’achève, le silence revient. Mais quelque chose a changé : la trace de ce mouvement continue de respirer sur le papier, comme une image vivante de ce que nous sommes, de ce qui passe, se perd et renaît.

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